D'après Michel Faucon (1), ce n'est pas seulement le manque de nourriture, c'est aussi la pauvreté qui crée la faim... "Il faut des accords internationaux pour contrôler le commerce des produits alimentaires."
Mais hélas ! en attendant une hypothétique et bien improbable sagesse des Etats dans ce domaine, il nous semble nécessaire que les hommes mettent en route, dans tous les pays, une "révolution doublement verte", c'est à dire une révolution respectueuse de la nature et adaptée à l'environnement humain.
Pour cela existent déjà de nombreux "petits chemins". Comme par exemple, en Colombie, où 180 paysans créent une coopérative de production et d'élevage adaptée aux possibilités locales, assurant leur nourriture et quelques revenus.
Ou au Cameroun, ce groupement de femmes de Nkolntsa soutenues par notre mutuelle, qui décident de cultiver des ananas mais qui savent s'adapter et cultiver d'autres légumes lorsque la concurrence l'impose.
Ou comme ce chemin difficile et laborieux de ceux qui essaient de promouvoir les algocultures de spiruline, cette petite algue microscopique, véritable reconstituant alimentaire pour sauver les enfants de la faim.
Ou encore ce chemin qui pourrait devenir un boulevard dans lequel nous entraînerait Ignacio Ramonet(2) qui propose d'essayer de faire adopter un impôt mondial de solidarité alimenté par une taxe sur les opérations de change et la spéculation.
Ou encore ces petits chemins financiers de ceux qui prennent le risque de prêter à faible intérêt, voire comme nous à taux zéro, pour des investissements d'autosuffisance agricole ou artisanale.
Tous ces chemins qui convergent en réseaux transnationaux s'inscrivent dans la lutte pour les droits sociaux et en ce qui nous concerne, le droit à une nourriture saine et suffisante.
Le 10 décembre 1998 sera justement le cinquantième anniversaire de l'adoption et de la proclamation par l'O.N.U. de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui, issue de notre déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, se veut "l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations".
Après cinquante ans, il nous semble que les Etats, dans ce domaine, ne peuvent guère pavoiser ! Tortures et emprisonnements pour délits d'opinion... travail des enfants... mépris des droits des femmes... racismes de toutes sortes... droit au travail et droit du travail de plus en plus bafoués, furent et sont encore le lot planétaire de ces cinquante années de concurrence entre les Etats-nations... et Amnesty International, Réseau Solidarité, et toutes les associations dont l'action s'appuie sur cette déclaration ont encore bien du travail !
Actuellement, c'est la mondialisation économique qui, submergeant le pouvoir des Etats, installant un pouvoir mondial sans lois, tend à annihiler les efforts des ONG, de l'ONU, et à déstabiliser une solidarité internationale déjà bien fragile, accentuant à la fois la richesse des plus riches et la misère des plus démunis.
A nous citoyens et acteurs de la société civile mondiale naissante, d'avancer ensemble par tous nos "petits chemins", et, par nos initiatives citoyennes, de résister à ce pouvoir illégal, afin d'imposer par notre résistance commune, une organisation économique et sociale mondiale acceptable par tous...
S'ils veulent que les droits de l'homme deviennent une réalité, s'ils veulent que ce début du vingt-et-unième siècle soit autre chose qu'une jungle barbare ou s'affronteront les citadelles des riches et les ghettos des pauvres, les citoyens de ce monde n'ont pas le droit à l'échec.
Bernard Muet
Mars 1998
1 Peuples en Marche
2 Le Monde Diplomatique