Solidarité Mondiale contre la Faim

    ADYD

    ADYD de DHARA DJOLOF

    02.09.SN

     

    Production de lait

    MS81 (juin 2004)

    Nous avons reçu de l’ADYD un rapport sur le déroulement de son projet de mise en place d’un stock rotatif d’aliments du bétail au bénéfice des femmes réprouvées de la région de Djara-Djolof, rapport dont nous extrayons les passages significatifs suivants. Félicitons son auteur pour la rigueur et l’objectivité de son exposé qui nous permet d’avoir une vision exacte de l’avancement des activités et des difficultés rencontrées.

    Le projet de stock rotatif d’aliments du bétail se poursuit normalement, mais avec des difficultés qui viennent de l’unité de transformation qui a beaucoup souffert de problèmes de commercialisation de ces produits finis. La commercialisation des produits laitiers de fabrication locale reste aujourd’hui une véritable contrainte pour le développement de l’élevage au Sénégal. Il s’y ajoute le manque de technicité pour la fabrication de produits de qualité et d’un personnel qualifié pour assurer une bonne promotion des ventes. L’unité est restée des jours sans faire de collecte du fait des stocks de lait invendus, au grand détriment des producteurs. Les retards des paiements de l’unité aux femmes productrices de lait engendrent d’autres retards de paiement des femmes au comité de gestion des aliments du bétail. Cette situation fait que les opérations de renouvellement des stocks d’aliments du bétail se font très lentement. A ce jour deux opérations d’achat des aliments du bétail ont été réalisées.

    Cependant il faut noter la très bonne dynamique d’organisation enclenchée par ce projet. Les femmes se réunissent régulièrement pour renforcer leur association au delà même des aspects de production laitière pour capter d’autres projets dans le cadre d’activités qu’elles entendent mener.

    Nous avons cette année une production relativement importante de lait due à de bons pâturages des alentours de Dahra et à une disponibilité des aliments pour l’amélioration de l’alimentation du bétail. Avec l’augmentation de la fourniture de lait, il est constaté l’arrivée de commerçants qui viennent chaque matin acheter le frais, mais en quantités très limitées.

    17,5 tonnes d’aliments de bétail ont été achetées à ce jour (15/06/2004) pour une valeur de 1 680 950 F CFA avec une moyenne de 96 054 F CFA la tonne. La quantité d’aliment du bétail achetée couvre très largement les besoins des producteurs de Dahra pour les raisons suivantes :

    l’unité laitière ne suit pas dans sa collecte les performances des producteurs en matière de production laitière.
    les producteurs n’embouchent pas plus de 1 kg d’aliment par jour et par vache au lieu de 2 kg comme indiqué dans le document de projet.
    Pour ces raisons nous avons rapidement touché d’autres groupements des alentours pour une poursuite des activités de rotation des aliments de bétail.

    Je ne suis pas encore en mesure de fournir des éléments de compte d’exploitation qui ne peut être fait que vers fin juin, avant le remboursement de la tranche de cette année prévue en juillet 2004.

    Ndiaye Thiayédia

     

    MS80 (Mars 2004)

    L'ADYD, c'est l'Association de Développement de Yang Yang et Dodjie une ONG qui œuvre officiellement depuis 1995 dans le département de Linguère, dans la Région de Louga, au nord du Sénégal, en terre Wolof (" Djolof "). Yang Yang est à 31 km au nord de Dahra-Djolof où est basée l'ADYD, et Dodjie est à 23 km au nord-est de Linguère, le chef-lieu du département, lui-même distant de 43 km à l'est de Dahra-Djolof. Son directeur exécutif est M. Ndiaye Thiadéya.

    L'environnement physique

    Au cœur d'une zone sylvopastorale, ce département couvre une superficie de 19.129 km² pour une population de 157.067 habitants, dont plus de 60% sont des femmes, soit une densité de 8,5 hab/km².

    Naguère très déficitaire sur le plan pluviométrique, cette zone connaît depuis quatre ans un retour normal des pluies qui a permis le redémarrage des activités agricoles. La préoccupation majeure des populations semi-nomades majoritaires dans cette zone est de recevoir des pluies susceptibles de faire pousser l'herbe, car l'abondance des pâturages constitue un atout de développement. On remarque dans la zone une migration de populations d'agriculteurs qui détermine un regain de dynamisme des villages wolofs.

    Les activités rurales

    Les deux grandes saisons (sèche et des pluies) scandent les deux grands types d'activité rurale : l'élevage transhumant (à la recherche de l'eau) toute l'année et l'agriculture associée pendant la saison humide. Cette dernière activité décline avec l'irrégularité croissante des pluies. Pour les femmes, il faut ajouter aux activités pastorales les activités domestiques qui vont jusqu'à la construction des cases et leur entretien.

    Dans cette société, la division sociologique du travail est particulièrement défavorable aux femmes qui manquent de temps pour les activités de promotion, à qui sont imposés les mariages précoces, qui fréquentent peu l'école ou ne sont pas alphabétisées et dont les revenus sont très faibles.

    La complexité des régimes de transhumance, qui peuvent être lointains et durables (" polindaji "), ou de proximité et brefs (" kawle ", " pettoji "), ou dépendants de forages (" gure dumale ") engendre celle des déplacements de populations et renforce tous les inconvénients sociaux liés à l'instabilité. Cependant, comme les forages constituent aujourd'hui les points de convergence des populations et des troupeaux durant la saison sèche, ils jouent un important rôle dans la sédentarisation des populations nomades. C'est pourquoi la tendance est actuellement au départ seulement d'une partie des membres de la famille avec le bétail alors que l'autre partie ne bouge pas et garde avec elle des vaches laitières. La proximité des forages et les marchés hebdomadaires qui s'y tiennent offrent des possibilités d'échanges pour les populations.

    Les problèmes des populations

    Aux difficultés liées au mode de vie semi-nomade s'ajoute la kyrielle des problèmes propres aux régions sahéliennes et, plus généralement, mal développées :

    au plan de la santé : paludisme, maladies infectieuses, parasitoses intestinales affectent la durée de vie l'énergie et surtout la survie et le développement des enfants. Le manque d'hygiène, la mauvaise qualité sanitaire des eaux de boisson, la promiscuité des animaux, le sous-équipement médical, l'indisponibilité des médicaments, l'éducation insuffisante aggravent les effets des rigueurs climatiques et sociales.
    au plan de la sécurité alimentaire, le déficit permanent lié au climat et à la dégradation de l'environnement pousse les éleveurs à vendre régulièrement leur bétail pour se nourrir et les agriculteurs à l'exode vers les villes.
    au plan de l'élevage, qui occupe plus de 90 % des terres, les pertes du fait des épizooties et des parasitoses sont considérables. Là encore, l'ignorance des éleveurs quant à la prévention et à l'hygiène est largement en cause et s'ajoute à la dégradation des pâturages. La période de " soudure " est particulièrement dure, faute de compléments alimentaires à la portée des moyens financiers des éleveurs.

    L'ADYD

    Dans ce contexte, l'ADYD s'efforce de promouvoir tous les aspects du développement dans les zones rurales de son aire d'activité. Elle a comme atouts une bonne représentativité de la zone et une bonne compréhension des problèmes de l'agrosylvopastoralisme local, en particulier ceux des éleveurs. Ses faiblesses résident dans un manque de logistique (véhicule tout-terrain) pour assurer une bonne animation de la région, et jusqu'à l'arrivée du SMF, elle n'avait pas de partenaires pour l'aider à exécuter les projets de développement dont elle ressent la nécessité.

    L'ADYD est très attentive, en particulier, à la situation des femmes et au rôle qu'elles jouent et pourraient jouer précisément en faveur du développement.

    Le Projet

    Et, précisément, le projet dont l'ADYD a saisi SMF concerne les femmes, le pastoralisme et la période de soudure.

    Parmi les femmes : les plus vulnérables, les plus souffrantes, les réprouvées. Il s'agit des femmes veuves, ou répudiées, ou filles-mères que la communauté abandonne à leur sort. Poids de la culture et de traditions impitoyables et figées ! Sans terre, ne disposant que d'une ou deux vaches, leurs moyens de subsistance sont dérisoires et leur situation devient dramatique en période de soudure, pendant la saison sèche. Le problème réside dans la production de lait en quantité suffisante, certes, mais il ne suffit pas de produire : il faut aussi conserver et vendre ! deux obstacles devant cela : le climat, qui n'autorise pratiquement aucune conservation et les revendeurs qui écument la campagne en imposant leurs prix.

    Face à cela, l'ADYD a créé à Dahra-Djolof une coopérative de collecte, de conservation, de transformation et de commercialisation du lait. Les femmes peuvent lui livrer leur production pour un prix rémunérateur. Reste, pour les femmes, à produire suffisamment et à conserver le lait au moins pendant le temps du transport. La question de la conservation peut être résolue par l'adjonction au lait d'une enzyme anti-fermentation, la lactoperoxydase. Celle de la production nécessite que les femmes disposent pour leurs vaches en saison sèche de compléments d'aliments du bétail en quantité et de qualité suffisantes. C'est là que le SMF intervient.

    En janvier 2004, après 2 années de négociations, l'ADYD, dont les membres adhèrent au SMF depuis plusieurs années, a reçu un fonds de roulement pour l'achat d'un stock d'aliments du bétail permettant à une trentaine de ces femmes éprouvées de continuer à faire produire du lait à leurs deux vaches en saison sèche, et à pouvoir le vendre autour d'elles ainsi que pour une part à la coopérative d'ADYD à un prix acceptable. Il s'agit d'un fonds initial : sur le produit de leurs ventes, les éleveuses épargneront les sommes nécessaires à l'achat des lots d'aliments suivants, et ainsi de suite.

    Il s'agit en somme d'aider l'ADYD à enclencher un cycle vertueux de production destiné à aider les productrices à sortir une bonne fois pour toutes de leur extrême précarité, le tout pour un coût minimal. Le montant de la participation du SMF est de 3.000.000 F CFA (4.573 €), dont la moitié remboursable en 3 annuités à partir de juin 2005. A l'ADYD la charge impérieuse, ensuite, de former les bénéficiaires à pérenniser ces nouveaux moyens de subsistance au fil des ans.

    Pour faire écho à l'éditorial d'E. Gen dans ce numéro, nous ne doutons pas qu'au travers de cette reconnaissance, nouvelle pour elles, ainsi que de leur propre coopération dans le cadre de l'ADYD, ces exclues sauront retrouver confiance et, pourquoi pas, initier leurs propres avancées collectives dans le développement.

    Ch. T.